Les risques de la guerre pour le soldat

La première guerre mondiale apparait comme une véritable hécatombe pour les soldats. La modernisation de l’armement permet une meilleure portée de l’artillerie et une augmentation de la force de frappe.  Cela implique une aggravation des blessures mais aussi une multiplication des décès. La mort devient industrielle. Blessure à cause des tirs de fusils, des obus, achèvement des blessés lors de la prise d’une tranchée, exécutions, suicides... La mort fait partie du lot quotidien des soldats. Haine de l’ennemi et mort se mélangent à tel point que l’historien Stéphane Audoin-Rouzeau parle d’une « brutalisation » de la société pendant la guerre 14-18 qui se caractérise par une banalisation de la violence. Les carnets de guerre et les correspondances montrent la routine des morts quotidiennes. Un autre risque pour les soldats sont les mutineries rendues possibles par le contexte de l’année 1917. Le dernier risque pour le soldat est d’être fait prisonnier. Il ressort de la documentation de la Grande Collecte que la captivité est perçue de façon ambivalente. Positive, car elle signifie pour le prisonnier la fin du danger du champ de bataille et donc une chance de survie. Négative lorsque les conditions de captivité ne sont pas bonnes.

Les blessures

L’amélioration de l’armement, notamment avec les tirs d'obus, a provoqué une aggravation des blessures. Le journal de route de Joseph Briançon, officier d’administration et gestionnaire d’ambulances, décrit les blessures terrifiantes provoquées par l’artillerie, transformant les soldats en « gueules cassées » par la perte de leur mâchoire. Les photographies de son carnet de guerre, certes en noir et blanc, montrent la dure réalité des blessures qui changent à jamais la vie d’un soldat : cicatrices d'une blessure recousue, amputation, … La guerre laisse ses stigmates dans la chair du soldat. Le soldat blessé quitte alors la zone de conflit afin de se rétablir à l'arrière. Par ses blessures, il prouve sa vaillance et peut alors obtenir des récompenses, comme la médaille militaire, remises lors de cérémonies qui doivent montrer le lustre de l’armée. L'amélioration de l'armement conduit également à une augmentation du nombre de blessés. Les blessures font partie intégrante des risques de la guerre pour le soldat. Stéphane Audoin-Rouzeau avance les chiffres impressionnants de 3 594 000 blessures et 2,8 millions de blessés. La moitié des hommes ont été blessés deux fois, plus de 100 000 trois ou quatre fois. Globalement, toute armée confondue, 40 % des hommes ont été blessés.

22 documents

La mort

La mort est omniprésente dans le quotidien du soldat durant la guerre 14-18. Elle se rencontre sur le champ de bataille, dans les tranchées et jusque dans les cantonnements avec le suicide d’un camarade ne supportant plus la brutalité du conflit. La mort peut prendre plusieurs formes : exécutions, achèvement à coups de baïonnette, tirs d’obus, lente agonie dans les fils de fer barbelés, attaques au gaz … Les carnets de guerre décrivent cette diversité macabre page après page. Ils présentent une histoire olfactive et sonore de la mort à travers la description de la puanteur qu’exhale un amoncellement de cadavres de soldats en putréfaction, s’ils n’ont pas pu être incinérés ou enterrés pour éviter les épidémies, et le bruit des baïonnettes rentrant dans la chair. La mort relève de l’intime et des documents émouvants présentent l’annonce du décès d’un fils à son père ou la recherche de la tombe d’un proche. Le bilan de cette guerre est de 9 à 10 millions de morts, des soldats presque exclusivement. La France détient le triste record de 16,8 % de mobilisés tués contre 15,4 % pour l’Allemagne. Près de 900 Français et 1300 Allemands sont morts chaque jour entre 1914 et 1918. Les morts de maladie représentent 1/6 du total des victimes.

31 documents

Les mutineries

L’année 1917 est marquée par une vague de mutineries. Le contexte y est très favorable : Révolution russe, retard de l’aide américaine, incompréhension dans la façon dont guerre est conduite, lassitude des soldats. Ces derniers désespèrent de voir la guerre prendre fin et voient se profiler un quatrième hiver dans les tranchées. Peu de documents de la Grande Collecte 14-18 mentionnent le cas des mutineries : ces dernières étaient sévèrement réprimées, les mutins pouvant risquer d’être fusillés. En tout, les conseils de guerre ont condamné pour insubordination 1381 soldats français aux travaux forcés et 2400 à la peine de mort dont 550 furent effectives.  Seul le journal de route de Joseph Briançon présente le sombre tableau de l’année 1917 et la multiplication des mutineries qui menacent à un moment où l’union et l’obéissance de toute la population est nécessaire pour la victoire et la défense de la France. C’est un discours patriotique et donc négatif envers les actes de mutinerie que tient alors Joseph Briançon.

4 documents

Être fait prisonnier

La captivité a été un phénomène massif de la Première Guerre mondiale. 6 millions d’hommes ont été détenus : 2,5 millions en Allemagne (dont 600 000 Français), 350 000 en France, … Les camps de concentration sont emblématiques de cette captivité mais, comme le souligne Stéphane Audouin-Rouzeau, « le phénomène concentrationnaire n’est pas synonyme de système concentrationnaire ». On entasse derrière des palissades et du fil de fer pour surveiller voire punir de façon incohérente et improvisée. Les soldats ont une perception ambivalente de la captivité, entre soulagement de ne plus être sur le champ de bataille et conditions de vie difficiles. Car le quotidien du soldat captif n’est pas de tout repos : incinération ou inhumation des cadavres, travaux des champs, aménagement de routes et autres travaux manuels, physiques et pénibles font partie des attributions des prisonniers. Carnets de guerre et correspondances donnent des témoignages précieux sur la captivité tandis que d’autres donnent la parole à des prisonniers allemands en France.

33 documents