En prévision des commémorations du centenaire de la Première Guerre mondiale, la bibliothèque européenne en ligne Europeana a lancé en 2011 une campagne de collecte numérique de documents privés qui s’est étendue à d’autres pays. En France, la Grande Collecte 14-18 a été organisée par le Service interministériel des Archives de France, la Bibliothèque nationale de France et la Mission du Centenaire 1914-1918. Depuis 2013, les Français sont invités à déposer leurs documents familiaux relatifs à la Grande Guerre dans un des différents centres participant au projet afin de les numériser avant leur restitution.

 

En Haute-Garonne, les Archives départementales ont porté le projet en accueillant le public. Près de 80 particuliers ont apporté leurs documents : correspondances, carnets de guerres, cartes postales, photographies… En tout ce sont près de 15600 images qui forment le fonds de la Grande Collecte.  

 

Ces documents pour la plupart inédits, puisqu’issus d’archives privées, donnent un aperçu renouvelé du quotidien et de la façon d’être un soldat durant la Première Guerre mondiale. Cette exposition virtuelle n’entend pas traiter de la Première Guerre mondiale en général mais prendre le point de vue des soldats à travers la façon dont on le devient durant le conflit, leur origine, leur rôle dans le combat physique et idéologique et les risques qu’ils encourent. Il s’agit de valoriser la Grande Collecte 14-18 à travers le choix d’environ 230 images représentatives de la typologie documentaire mais ne correspondant qu’à une infime partie du fonds.   

Devenir soldat

La guerre 14-18 est un conflit qui a mobilisé des millions d’individus dont la plupart ont vécu leur première expérience guerrière. Ne s’agissant pas de soldats professionnels, des moments d’instruction sont nécessaires afin de pouvoir leur fournir le matériel militaire (uniforme et munitions) et leur enseigner le maniement des armes et la discipline militaire. Si l’on pense aux soldats venus des colonies, il s’agit même pour eux de leur première expérience sur le sol européen. Les armées du premier conflit mondial font preuve de diversité. Une diversité sur le plan des postes puisque l’armée a besoin de polyvalence ; être soldat ne se limite pas à être fantassin mais prend en compte aussi des métiers annexes en termes de communication (colombophiles, télégraphistes), de conduite de véhicules militaires comme les aviateurs, les marins mais aussi les personnes pouvant effectuer des tâches d’ordre logistique comme la cuisine. Une diversité aussi sur l’origine des soldats : lanciers indiens de l’armée britannique, tirailleurs marocains ou sénégalais, zouaves algériens, fantassins écossais… interpellent les soldats qui commentent leur tenue dans leur correspondance ou envoient des cartes postales les représentant à leur famille.

Participer au combat physique et idéologique

Le soldat a pour vocation de défendre la France en participant au combat physique contre l’ennemi. La correspondance, malgré l’autocensure des soldats, donnent des renseignements sur la pénibilité du conflit mais ce sont surtout les carnets de guerre qui regorgent d’informations. Description des conditions de vie, de la violence du champ de bataille, ces carnets servent de catharsis aux soldats qui écrivent sans filtre, critiquant leur hiérarchie mais aussi le déroulement de la guerre. Le soldat participe également au combat idéologique en étant au cœur de la culture de guerre. Il est loué en tant que défenseur de la France et de la Lorraine mais également comme pourfendeur du Kaiser Guillaume II. Ce dernier fait l’objet de satire et incarne à lui seul le « Boche », l’ennemi allemand.  Les documents de la Grande Collecte permettent également de montrer les loisirs des soldats lorsqu’ils n’étaient pas directement dans une zone de conflit. Les permissions étaient l’occasion de profiter de la vie urbaine ; les soldats disposaient également de temps libre pour correspondre avec leur famille ou bien mettre en application leur veine artistique à travers le dessin ou la photographie.

Les risques de la guerre pour le soldat

La première guerre mondiale apparait comme une véritable hécatombe pour les soldats. La modernisation de l’armement permet une meilleure portée de l’artillerie et une augmentation de la force de frappe.  Cela implique une aggravation des blessures mais aussi une multiplication des décès. La mort devient industrielle. Blessure à cause des tirs de fusils, des obus, achèvement des blessés lors de la prise d’une tranchée, exécutions, suicides... La mort fait partie du lot quotidien des soldats. Haine de l’ennemi et mort se mélangent à tel point que l’historien Stéphane Audoin-Rouzeau parle d’une « brutalisation » de la société pendant la guerre 14-18 qui se caractérise par une banalisation de la violence. Les carnets de guerre et les correspondances montrent la routine des morts quotidiennes. Un autre risque pour les soldats sont les mutineries rendues possibles par le contexte de l’année 1917. Le dernier risque pour le soldat est d’être fait prisonnier. Il ressort de la documentation de la Grande Collecte que la captivité est perçue de façon ambivalente. Positive, car elle signifie pour le prisonnier la fin du danger du champ de bataille et donc une chance de survie. Négative lorsque les conditions de captivité ne sont pas bonnes.